Mise au point
Sclérites et épisclérites : prise en charge diagnostique et thérapeutiqueScleritis and episcleritis: Diagnosis and treatment

https://doi.org/10.1016/j.revmed.2014.02.004Get rights and content

Résumé

L’épisclérite et la sclérite sont deux entités clairement distinctes en termes de pronostic visuel, de fréquence de l’association à des maladies systémiques et de prise en charge thérapeutique. La pertinence de la classification clinique des épisclérites et sclérites établie en 1976 reste d’actualité pour ses corrélations avec les complications oculaires, l’association à des maladies générales et les orientations thérapeutiques. Une épisclérite nécessite très rarement des explorations poussées, et sa prise en charge est alors similaire à celle d’une sclérite. Dans cette revue, l’analyse de 1358 cas de sclérites issus des grandes séries publiées depuis 1976 montre une étiologie infectieuse sous-jacente dans 8 % des cas (herpès principalement), et une maladie systémique dans 28 % des cas en moyenne : principalement les rhumatismes inflammatoires (12,8 %) et les vascularites systémiques (7,8 %). Globalement, le risque de baisse visuelle lié aux sclérites est de 16 %. Néanmoins, le risque de maladie systémique associée, comme le risque de baisse visuelle, sont très variables selon le type de sclérite, culminant à 80 % et 50 % respectivement dans les formes nécrosantes. Comparativement aux séries anciennes de sclérites, les séries récentes montrent une nette diminution des formes nécrosantes, probablement liées aux progrès des thérapeutiques immunomodulatrices des 20 dernières années et à leur large utilisation dans les principales maladies responsables de sclérite. La prise en charge thérapeutique des sclérites demande l’implication de médecins rompus aux traitements immunosuppresseurs, nécessaires dans environ 50 % des cas.

Abstract

Episcleritis and scleritis are distinct entities with regard to visual prognosis, risk of associated systemic disease, and treatment. The pertinence of the clinical classification of episcleritis and scleritis established in 1976 still persists, with significant differences in terms of visual prognosis, associated general conditions, and therapeutic choices according to each scleritis subtype. Episcleritis requires rarely to be referred to a tertiary care centre, and if so it has to be monitored similarly to scleritis. In this paper, an analysis of 1358 scleritis cases from the main distinct large series published since 1976 shows a mean proportion of 8% of infectious aetiologies (mainly herpes viruses), and 28% of systemic diseases with two main subgroups: inflammatory rheumatisms 12.8%, and systemic vasculitis 7.8%. Overall, the risk for visual loss following scleritis is around 16%. However, the risks of associated systemic disease and visual loss are both highly variable according to the type of scleritis, and culminate at 80% and 50% in the necrotizing subtype respectively. As compared with older series, the proportion of necrotizing scleritis is lower in recent series which is likely due to the advances obtained over the past 20 years in immunomodulatory therapy, as well as its wide use in the treatment of the main systemic conditions associated with scleritis. The treatment of scleritis should be managed by physicians who are experts in the use of immunosuppressive drugs that may be required in one out of two affected patients.

Introduction

L’épisclérite et la sclérite sont deux pathologies inflammatoires de l’enveloppe du globe oculaire qui n’ont été bien distinguées l’une de l’autre qu’en 1976 par l’équipe du Moorfields Eye Hospital de Londres [1]. La pertinence de cette distinction a été confirmée par toutes les études ultérieures. Schématiquement, l’épisclérite est une pathologie superficielle, peu bruyante et quasiment sans risque de complication alors que la sclérite touche une structure profonde, peut être très douloureuse, destructrice, et engager le pronostic visuel. En outre, l’épisclérite est rarement symptomatique d’une pathologie générale sous-jacente au contraire de la sclérite, et son traitement se limite le plus souvent à des collyres, parfois associés à un anti-inflammatoire non stéroïdien (AINS) [2]. Un bilan médical approfondi ne sera donc envisagé devant une épisclérite qu’en cas de présentation inhabituelle de par sa sévérité, sa chronicité, la récurrence des symptômes, ou encore l’existence de signes d’alerte généraux. La démarche de prise en charge est alors la même qu’en cas de sclérite. C’est pourquoi, après la présentation des caractéristiques générales de ces deux entités, la revue des aspects étiologiques et thérapeutiques a été centrée sur les sclérites, qui concentrent en outre la grande majorité des publications.

Section snippets

Caractéristiques générales des sclérites et épisclérites

Située sous la conjonctive bulbaire, entre la capsule de Tenon et la sclère, l’épisclère est constituée de tissu conjonctif fibro-élastique. Elle est richement vascularisée par un plexus épiscléral superficiel et un plexus épiscléral profond. Composée principalement de collagène (80 % de son poids), la sclère s’étend du limbe cornéo-scléral au canal optique et n’a pas de vascularisation intrinsèque. Elle est richement innervée (branche V1 du nerf trijumeau), ce qui explique les douleurs parfois

Méthodes

Les études cliniques prises en compte dans cette revue devaient inclure au moins 50 patients et ont été sélectionnées par une recherche sur PubMed en utilisant l’entrée « scleritis AND etiology AND series », depuis l’article princeps de Watson et Hayreh en 1976 [1] jusqu’en septembre 2013, complétée par un examen de la bibliographie des articles analysés. Pour certaines équipes ayant publié plusieurs fois sur ce sujet, seule la série la plus récente a été sélectionnée afin d’éliminer les

Sclérites infectieuses

Le traitement des sclérites infectieuses sera bien entendu étiologique. Le traitement du zona ophtalmique repose sur l’administration orale dans les 72 heures de l’éruption de valaciclovir (Zélitrex®) 1 g × 3/jour pendant 7 jours, ou famciclovir (Oravir®) 500 mg × 3/jour pendant 7 jours, à adapter à la fonction rénale. Dans une série de 35 sclérites herpétiques, dont une majorité de formes chroniques liées à HSV, Gonzalez et al. [14] indiquent avoir débuté le traitement par de l’aciclovir (Zovirax®

Conclusion

Si l’on peut globalement qualifier l’épisclérite de pathologie bénigne, la sclérite fait partie des pathologies oculaires inflammatoires graves. Comme le confirment des publications importantes récentes, la sclérite est associée à des maladies systémiques variées dans environ 1 cas sur 3, pouvant parfois engager le pronostic vital. À l’opposé de formes souvent bien contrôlées par un traitement AINS et au cours évolutif rassurant, il s’agit environ 1 fois sur 2 d’une pathologie chronique,

Déclaration d’intérêts

Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

Références (31)

Cited by (16)

  • Scleritis and episcleritis

    2023, Revue de Medecine Interne
  • Whitcup and Nussenblatt’s Uveitis: Fundamentals and Clinical Practice

    2021, Whitcup and Nussenblatt's Uveitis: Fundamentals and Clinical Practice
  • Take a look at the eyes in Systemic Lupus Erythematosus: A novel point of view

    2019, Autoimmunity Reviews
    Citation Excerpt :

    Other corneal manifestations are peripheral ulcerative keratitis (PUK), often indicated active disease, peripheral corneal infiltration, interstitial keratitis, and endothelitis [6]. Scleritis has an incidence of 2% and it is a vision-threatening ocular manifestation requiring prompt treatment [19]; [20]. Scleritis may present as anterior diffuse scleritis or anterior nodular scleritis.

  • Soluplus micelles for acyclovir ocular delivery: Formulation and cornea and sclera permeability

    2018, International Journal of Pharmaceutics
    Citation Excerpt :

    Permeability through the sclera was also investigated to elucidate whether the drug could be delivered also to the posterior segment (Fig. 6B). Although corneal keratopathies are the most common diseases caused by HSV in the eye, these virus can also cause scleritis and epiescleritis, two inflammatory diseases of the eyeball (Heron et al., 2014). The surface area of absorption in the sclera is larger than in cornea, and for several compounds larger permeability has been recorded for sclera (Geroski and Edelhauser, 2000; Loch et al. 2012).

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